Ici, le climat est meilleur pour ma santé et celle de ma femme » aimait à dire Igor Stravinsky de la Côte d’Azur où il vivra à Nice, au Mont-Boron, de 1924 à 1931.

Il n’y séjourne pas en permanence, contrairement à son épouse et ses quantre enfants. Lui, se déplace aux quatre coins de l’Europe et de l’Amérique pour diriger ses oeuvres.
« A Nice, au bord de la Méditérannée, l’ambiance est propice à la rêverie, à la création » considérait le compositeur et chef d’orchestre né le 17 juin 1882 à Orianenbaum en Russie.
Après avoir vécu à Biarritz, sur la côte basque, la Côte d’Azur était la garantie de profiter de davantage de soleil, lui qui, comme bon nombre de membres de sa famille, était fragile des voies respiratoires.
Bien que son père, Feodor Stravinsky, était une basse (chanteur) se produisant régulièrement au théâtre Mariinsky, Igor n’est, dans sa prime jeunesse, que très peu en contact avec la musique classique. C’est à neuf ans qu’il commence à prendre des leçons de piano. Mais, son professeur estime qu’il « ne semble pas montrer de dispositions particulières pour la musique ».
Igor, pourtant, adore improviser même si son professeur ne lui laisse que peu le temps, considérant qu’il doit d’abord apprendre. « Ce travail continu d’improvisations n’était pas absolument stérile, écrira plus tard Stravisnsky dans Chroniques de ma vie, car il contribuait d’une part à une meilleure connaissance du piano, et d’autre part faisait germer des idées musicales ».
« LIBÉRÉ » PAR LE DÉCÈS DE SON PÈRE
Il prendra ensuite des cours avec Mme Khachperova, une élève d’Anton Rubinstein. Dès lors, il aborde dans sa quasi totalité le répertoire classique et romantique.
Mais, son père, peu convaincu, par ses premières compositions, décide de l’envoyer à la faculté de droit de Saint-Petersbourg. Il a alors 19 ans. Le décès de son père, qui survient un an plus tard, le 21 novembre 1902 le touche, bien sûr, mais lui enlève aussi un poids considérable. S’il continue ses études de droit avec plus ou moins d’assiduité, il laisse libre cours à son amour pour la musique.
Il passe désormais la plupart de ses soirées au théâtre Mariinski, où son père ne souhaitait pas le voir, et aux concerts symphoniques de la Société impériale. Il se remet à composer et écrit Scherzo au piano et le chant Nuages d’orage, une pièce inspirée d’un poème d’Alexandre Pouchkine.
Sa rencontre avec le célèbre compositeur russe Nikolaï Rimski-Korsakov, toujours en 1902, va s’avérer déterminante pour sa formation musicale.
« Je lui exposai mon désir de devenir compositeur et lui demandai son avis, expliquera-t-il un jour à un proche. Et, il me répondit que plutôt que de m’inscrire au conservatoire, il était prêt à me transmettre son savoir une fois que je maîtriserais les notions élémentaires de l’harmonie et de contrepoint ». Rimski-Korsakov sera ainsi son professeur jusqu’à sa mort en 1908. Avec lui, il apprendra énormément sur l’orchestration.
C’est en 1906 qu’il se marie avec sa cousine Catherine Gavrilovna Nossenko avec qui il aura quatre enfants.
TRIOMPHE ET SCANDALE À PARIS
En 1907, avec lui, il composera Symphonie en mi bémol puis Scherzo fantastique et Feu d’artifice en 1909. Cette dernière oeuvre sera décisive pour lui, puisque lors de sa création Serge de Diaghilev, impresario de spectacle et fondateur des Ballets russes, est présent. Quelques mois plus tard, ce dernier lui demande de lui écrire la musique de L’Oiseau de feu, son nouveau ballet qui sera joué à Paris. Cette oeuvre fera de Stravinsky une vedette du jour au lendemain.
Il a 27 ans. Les deux hommes travailleront encore ensemble et, à chaque fois, le triomphe sera au rendez-vous. Stravinsky quitte alors la Russie pour s’installer à Paris. Le 29 mai 1913, a lieu, à Paris, au théâtre des Champs-Elysées, la première du Sacre du printemps, qui reste l’une de ses compositions majeures et fait de lui l’un des plus grands musiciens du XXe siècle. La chorégraphie est de Vaslav Nijinski et la direction musicale est assurée par Pierre Monteux. Cette première tourne au scandale.
Dans Chroniques de ma vie, Stravinsky rapporte sur cet événement : « J’ai quitté la salle dès les premières mesures du prélude, qui tout de suite soulevèrent des rires et des moqueries. J’en fus révolté. Ces manifestations, d’abord isolées, devinrent bientôt générales et, provoquant d’autre part des contre-manifestations, se transformèrent très vite en un vacarme épouvantable ».
Quelques jours après la première représentation, Stravinsky attrape une forte fièvre typhoïde qui l’oblige à passer six semaines dans une maison de santé à Neuilly. À sa sortie, il compose les trois petites chansons intitulées Souvenirs de mon enfance et achève son opéra Le Rossignol dont la il avait arrêté la composition lorsqu’il avait reçut la commande de L’Oiseu de feu. Les années suivantes, en raison de la guerre, il travaille avec des formations plus restreintes.
En 1917, au lendemain de la révolution qui a frappé son pays, il séjourne longuement à Rome où il cotoie Cocteau mais aussi Picasso qui devient l’un de ses grands amis. Eternel voyageur, il résidera également un temps en Espagne, mais passera la plus grande partie de la Première guerre mondiale en Suisse.
SA FEMME ET SA FILLE EMPORTÉES PAR LA TUBERCULOSE
Lors de son dernier voyage en Russie, un mois seulement avant le début de la Première guerre mondiale, le compositeur rapporte deux recueils de chants populaires russes, qui serviront de base à la plupart de ses oeuvres jusqu’à Pulcnella, en 1920. Ce n’est qu’en 1962 que Stravinsky remettra les pieds dans son pays natal, cette fois en tant que citoyen américain. En 1934, après avoir vécu deux ans près de Grenoble, il obtient la nationalité française.
Son second fils Soulima, qui entame alors une carrière de pianiste, se produit en jouant ses compositions. En 1938, la tuberculose s’abat sur sa famille : elle emporte sa fille aînée Ludmila puis sa femme Catherine et sa mère en 1939. C’est desespéré qu’il arrive en septembre de la même année en Amérique pour y tenir pendant un an la chaire poétique de l’université d’Harvard. La Seconde guerre mondiale éclate et il reste en Amérique.
Trop affecté par le décès de sa fille et de sa femme, il se refuse un temps à revenir en Europe et particulièrement en France, où il a perdu son bonheur. Orthodoxe et très croyant, la foi gagne son oeuvre. Le 13 septembre 1956, il créé le Cantum Sacrum à la basilique Saint-Marc de Venise devant le patriarche de cette ville, Monseigneur Angello Giuseppe Roncalli qui, une fois devenu pape (Jean XXIII), l’invita à redonner cette oeuvre à la Chapelle Sixtine et l’anoblit à la même occasion. Il aura alors une véritable fascination pour Venise.
IL VIT DÉSORMAIS AUX ÉTATS-UNIS
C’est en 1970 qu’il séjournera pour la dernière fois en Europe. Il passera l’été à Evian-les-Bains après une hospitalisation pour un problème pulmonaire. Le 6 avril 1971, il meurt à New- York d’un oedème pulmonaire. Comme il le souhaitait, quelques jours plus tard, il est enterré dans le cimétière de l’île San Michele de Venise. Toute sa vie, il aura « promené » son oeuvre et sa vie à travers le monde. Stravinsky aura été, avant l’heure, un artiste sans frontières, un musicien et un citoyen du monde.
Photo : Stravinsky