L’un des hommes politiques les plus emblématiques de France vient de décéder à l’âge de 88 ans. Charles Pasqua sera inhumé à Grasse mardi 7 juillet à 10h30.

La nouvelle est tombée brutalement, Charles Pasqua est mort d’une crise cardiaque. Une fin somme toute normale pour un homme politique atypique qui avait du coeur, le moteur de son action politique.
Résistant à 15 ans…
Figure emblématique du gaullisme, Charles Pasqua avait été aussi un ardent résistant contre l’occupant allemand. Ces escapades à 15 ans sur les toits de Grasse sont restées célèbres dans les vieux quartiers du centre-ville. Natif de la cité des parfums, le 18 avril 1927, Charles sera toujours épris de ces idéaux de liberté et d’engagement total. C’est toujours à Grasse qu’il rencontre une jeune québécoise en 1947, Jeanne Joly, qu’il épouse et qui lui donnera son unique fils, Pierre-Philippe. Entre le père et le fils, ce sera à la vie, à la mort, l’un suivant l’autre sur le chemin politique qui n’a pas toujours été sans embûche. Le décès de Pierre-Philippe à 67 ans, le 2 février dernier à Grasse, avait ébranlé ce vieux lion et lui avait ôté une grande partie de sa raison de vivre.
Pourtant, Charles Pasqua a fait preuve d’un caractère immense durant toute sa vie. Pour ce fils de berger corse, l’honneur n’était pas un vain mot. Très tôt, il s’engage au Rassemblement du Peuple Français (RPF déjà) en 1947 et rentre chez Pernod-Ricard où il fera toute sa carrière dans le privé. Il y noue de solides relations et ses convictions se renforcent.
La libération des otages en 1988
Dès lors, Ricard le lance en politique. Il sera le bras droit de Jacques Chirac, le patron des fédérations du RPR, un parti qu’il dirigera d’une main de fer. En 1981, il sera celui qui fera obstacle à la réélection de Valery Giscard d’Estaing, préférant favoriser l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Est-ce pour cela que le président de la République se louera toujours de l’avoir comme ministre de l’Intérieur de 1986 à 1988 dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac alors 1er ministre.
C’est à cette occasion qu’il s’illustrera en faisant libérer les otages du Liban dont la télévision égrenait comme une litanie, quotidiennement, le nombre de jours de détention. Le 4 mai 1988, Jacques Chirac et Charles Pasqua sont sur le tarmac à la Villacoublay pour accueillir Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine, soit quatre jours avant le 2e tour des élections présidentielles qui opposent François Mitterrand à Jacques Chirac… « Sans l’intervention de Charles Pasqua, les otages n’auraient pas été libérés », dixit Jean-Charles Marchiani.
Des Hauts-de-Seine au Sénat
Il reviendra place Beauvau, de 1993 à 1995 dans le gouvernement d’Edouard Balladur, faisant du ministère de l’Intérieur, son jardin. Si l’on se souvient de Jack Lang à la Culture, à l’Intérieur, c’est Charles Pasqua. Ce second passage à ce ministère le met en première ligne dans la lutte contre le terrorisme tant intérieur avec Action directe, qu’extérieur avec les actions du GIA algérien dont il deviendra la bête noire. Son expression, « il faut terroriser les terroristes » est entrée dans les grandes déclarations françaises. Elle est si actuelle… Mais ce retour changera son chemin de vie… Il quitte Jacques Chirac pour rejoindre l’entourage d’Edouard Balladur, candidat à la présidentielle de 1995 avec le résultat que l’on sait.
Charles Pasqua se replie dans son fief du Conseil général des Hauts-de-Seine qu’il a présidé de 1973 à 1976 et de 1988 à 2004. Au passage, en 1983, il se fait prendre la mairie par un jeune RPR ambitieux et talentueux, Nicolas Sarkozy, alors qu’il devait prendre la succession de son ami, Achille Peretti. Il lui pardonnera néanmoins cet écart de « bonne conduite » à son égard. Sur le plan national, c’est au Sénat qu’il donnera toute la mesure de son talent où il sera élu pendant près de 20 ans, devenant entre 1988 et 1993, le président du groupe RPR.
Mais jamais il n’atteindra son graal, en être le président… Homme de structure, il est à l’origine de la création du Service d’Action Civique (SAC) en 1958 avec Jacques Foccart et Achille Peretti, une sorte de police parallèle qu’il dirigera avec son ami, Daniel Léandri. Il y a là toutes ses amitiés perpétuelles, les Corses et le réseau Françafrique. On lui doit l’organisation du grand rassemblement gaulliste du 30 mai 1968 à Paris qui a sauvé la France du chaos. Cela lui vaudra d’être député UDR de la 4ème circonscription des Hauts-de- Seine, de 1968 à 1973.
L’Europe de Bruxelles, sa bête noire…
Puis, il se lie avec Jacques Chirac dont il deviendra l’homme-lige. Pour lui et avec lui, il fondera en 1976, le Rassemblement Pour la République (RPR). Après l’échec de 1988, Charles Pasqua se liera avec Philippe Seguin et Philippe de Villiers pour lutter contre l’Europe de Maastricht le 20 octobre 1992. Au préalable en 1990, sa motion souverainiste contre Maastricht réalise près de 32 % des voix au RPR face à celle défendue par Chirac/Juppé. La rupture est consommée… Il perdra le référendum en 1992 de seulement 500 000 voix.
En juin 1999, c’est avec Philippe de Villiers qu’il fondera le Rassemblement Pour la France (RPF) qui réalisera des scores élogieux aux Européennes avec 13,05 % des voix, devançant la liste « officielle » du RPR/DL menée par Nicolas Sarkozy (12,82 %), suite au désistement de Philippe Seguin. Après une tentative d’être candidat aux Présidentielles de 2002, il se met en retrait.
D’aucuns prétendent que sa candidature aurait empêché Jacques Chirac de se faire réélire… On gardera de Charles Pasqua cette image d’homme entier, proche du peuple, un homme au verbe haut, au langage simple et fleuri comme ce fameux, « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ». Une belle manière de faire un pied de nez à tous les professionnels de la profession politique. Adieu Charles, on t’aimait bien…
Photo : ©DR