LE PETIT NICOIS

Il s’agissait « du débat que tout le monde attendait », comme l’a présenté le chef de cérémonie Franz-Olivier Giesbert , éditorialiste au Point. Au programme, la confrontation entre Eric Zemmour, auteur du « Suicide français » et Michel Onfray écrivain de « Cosmos ». Deux personnalités, deux essayistes, deux intellectuels que tout oppose… ou presque. Retour sur un débat houleux, un duel d’élites auquel FOG n’avait pas la langue dans sa poche.

Un point sur le Point

Pour cette première partie de la conférence, c’est l’animteur qui amène le sujet sur la table. Le 28 mai dernier, l’hebdomadaire Le Point a sorti une Une très polémique intitulée « Les arabes », avec en sous-titres, « L’histoire méconnue d’une civilisation » et « Aux origines de la tragédie d’aujourd’hui ». Il n’aura pas fallu longtemps aux détracteurs pour détourner et dénoncer cette couverture, la traitant d’inacceptable ou encore de raciste.

Pour Franz-Olivier Giesbert, en France, débattre devient de plus en plus compliqué. « On est dans le pays des anathèmes où on ne peut pas parler de tas de choses, ni les nommer ! ». Un argument peu recevable pour l’auteur de Cosmos. « Les sous-titres étaient quand même malvenus. On peut faire l’analyse de leur culture, dire ce qu’est le Coran. Mais imaginer que « les Arabes » nous posaient problèmes aujourd’hui, ça ne me paraissait pas très subtil… d’autant que l’intérieur du dossier n’aborde pas du tout ce problème-là ! ».

Son adversaire, Zemmour, lui ne voit qu’une couverture provocatrice, symptomatique d’une presse hebdomadaire qui cherche à faire gonfler ses ventes. « Comme les journalistes traitent un peu par le mépris les préoccupations des gens et que cela se voit dans les ventes, ils essaient de rattraper ce mépris par des Unes un peu racoleuses ». Une réponse qui agace l’éditorialiste FOG, qui se justifie en expliquant que Le Point n’a pas de problème de vente et qu’il ne fait cela que par subversion et anticonformisme.

L’islam au coeur du débat

C’était le sujet que tout le monde attendait lors de cet échange. L’islam fascine autant qu’elle dérange. Eric Zemmour a profité de la polémique de la Une du Point, pour rebondir sur ce sujet tant attendu. Et la défense de Franz-Olivier Giesbert : « L’idée que les Arabes pourraient poser problème aux Français, c’est complètement absurde ! » n’a pas aidé à calmer l’auteur du Suicide Français. « Ce n’est pas une idée absurde ! » rétorque-t-il, « vous faites semblant de ne pas voir les choses. Michel, vous dites qu’il n’y a pas qu’un seul islam, mais il n’y a qu’un seul texte ! (...) On sait bien que tous les musulmans ne sont pas arabes et que tous les Arabes ne sont pas musulmans ».

Une phrase bateau que Michel Onfray retourne à son envoyeur avec cette réplique moqueuse : « Oui et que tous les musulmans ne sont pas terroristes… Bien évidemment ! On le dit au départ ! » réplique Eric Zemmour. Visiblement, les duellistes ne sont pas prêts de s’entendre. Pour Onfray, un musulman, « comme tout le monde en connaît », peut manger du porc ou encore boire de l’alcool. Réponse immédiate d’Eric Zemmour : « Ils ne sont plus musulmans ». Et comme un accord sur le désaccord, le débat se clôt par une entente : « Si nous avions une République digne de ce nom […], il faut que quelqu’un qui soit républicain soit capable de dire que c’est l’islam qui obéit à la République et pas la République qui obéit à l’islam ». Acclamation du public niçois.

L’Europe, cette bête noire

En abordant le thème de l’Europe, Franz-Olivier Giesbert ne s’attendait pas à tomber sur une alliance Onfray- Zemmour. De sa construction après guerre au traité de Maastricht, l’Europe a été malmenée par les essayistes. Cause de nombreux problèmes actuels pour Eric Zemmour et « coup de génie pervers de Mitterrand » pour Onfray. Selon l’auteur de Cosmos, les Français n’ont pas eu le choix de voter en faveur du traité sur l’Union européenne : « Mitterrand a laissé croire que c’était oui à l’Europe donc oui au progrès, oui à la paix, ça voulait dire non à la guerre, oui à l’amitié entre les peuples, disparition du chômage, plein emploi, amour des peuples etc. On nous a dit c’est ça l’Europe ! Et si ce n’est pas ça, c’est la haine de l’Europe, c’est la guerre, c’est la xénophobie, le racisme… ».

Eric Zemmour de rétorquer « Pourtant, ils n’ont pas gagné de beaucoup ». Une phrase qui inspire le philosophe, qui se met à émettre une hypothèse, l’histoire du « non » gagnant le 7 février 1992, jour des résultats. « On peut imaginer que les Français ont voté contre et que le cynisme de Mitterrand aurait rendu possible une erreur de calcul, comme cela s’est fait aux Etats-Unis avec Georges Bush, qui fait qu’à 20h, on ne pouvait pas donner les résultats. […] Mitterrand arrive à 20h20 et dit « C’est court mais nous avons gagné, merci ». Qui est allé refaire les calculs ? ». Eric Zemmour profite de cette hypothèse pour faire un parallèle avec le traité de Lisbonne en 2005. « Michel, il n’avait même pas besoin de truquer les résultats, puisque de toute façon, si le non avait gagné, ils nous auraient fait gagné un an après ».

Fataliste, l’auteur du Suicide français conclut « c’est la démocratie à la mode européenne ». Un argument peu recevable pour FOG, qui pense au contraire que le Traité de Lisbonne de 2005 était bien différent de la constitution de Valéry Giscard D’estaing. Au terme de plus d’une heure de débats, la confrontation ne fut pas aussi électrique que prévue. Au grand désespoir de Franz-Olivier Giesbert, le choc des titans n’a pas eu lieu, ou plutôt, n’a pas duré très longtemps. Très dociles et ouverts d’esprit, les écrivains se sont retrouvés sur de nombreux thèmes : Libéralisme, Europe, Mai 68… les essayistes se sont quittés d’un commun accord, se posant tout deux en « tragiques », avec pour seul adversaire le provocateur Franz-Olivier Giesbert.

Photo : ©LPN