Au Centre Universitaire Méditerranéen (CUM), il y avait la foule des grands soirs avec plus de 700 personnes dont 150 massées dans le salon rouge avec grand écran... mais 300 n’ont pu accéder au Saint Graal, un euphémisme au vu de l’ovation qui a accompagné son arrivée dans « l’arène » aux côtés de l’adjointe au maire de Nice, Agnès Rampal.
Quand Éric Zemmour vient à Nice, il est un peu comme chez lui sous les lambris du CUM où il était interrogé par le journaliste, Patrice Zehr. Auparavant, il avait répondu aux questions du Petit Niçois.
Le Petit Niçois : Après « Le Suicide Français », as-tu recouvré un peu d’optimisme ? Et maintenant ?
Éric Zemmour : Clairement non. Je n’aime pas cette formule, « Et maintenant ». Mon livre est le constat, on ne peut le passer par perte et profit. Pourquoi cela s’est-il passé ? On ne peut ou ne veut pas changer. Pourtant, j’ai encore une pointe d’espérance. La France en a connu d’autres... J’ai dénoncé les liens entre les voyous, les islamistes, les pays du Golf comme les qataris qui les ont financés et certains politiques qui ont fait preuve de complaisance. Malek Boutih en a parlé après la tragédie...
L.P.N. : Le drame de Charlie Hebdo te donne raison, qu’est-ce-que cela t’ inspire ?
E. Z. : Nous sommes à la fin de ces 40 années de déclin. Ce qui est arrivé est horrible et troublant. Les talentueux dessinateurs de Charlie Hebdo incarnaient l’idéologie de mai 68 : tolérance, féminisme, ouverture aux autres. Jean Raspail en 1973 l’a dénoncé dans « Le Camp des Saints ». Je reprends son constat. Les assassins les ont tués au nom de leurs propres valeurs. Ce ne sont pas des terroristes, ils n’ont pas de revendications. Ils ont juste exécuté une fatwa. Cabu, Wolinski et les autres ont été assassinés pour avoir blasphémé. Cette notion n’existe pas dans les valeurs du monde des soixante-huitards profondément athées.
L.P.N. : Crois-tu comme Malraux que le XXIe siècle sera spirituel, religieux, ou ne sera pas ?
E. Z. : A-t-il vraiment prononcé cette phrase ? Je préfère de lui son discours de 1956 expliquant que le nouveau communisme, c’est l’islam. Aujourd’hui, c’est trop tard, on n’a pas su ou voulu traiter le problème avant.
L.P.N. : Que dis-tu à ceux qui t’accusent de flirter avec le FN ?
E. Z. : Je ne me situe pas au niveau du combat politique mais sur le plan des idées. Je ne parle presque pas du FN dans mon livre, ce n’est pas mon terrain de jeu. La droite n’a rien compris à la situation, la gauche sait que son monopole est contesté. Ils ont été unanimes à gauche pour essayer d’interdire mon livre, pour me virer de la télévision, pour inciter à ne pas me lire avant de se gausser de liberté d’expression après le drame de Charlie Hebdo.
L.P.N. : Que pense-tu de la récupération politique après ?
E. Z. : La gauche et ses représentants, Hollande et Valls sont trop forts. On n’a pas parlé du comment on en est arrivé là, des bavures dans la procédure judiciaire. Ils ont transformé cette tuerie en opération de communication avec deux dangers majeurs : l’islamophobie et l’amalgame. Les Français veulent un Roi, ils ont réclamé la protection du président de la République.
Depuis 20 ans, on invente des mots quand la réalité n’existe plus. On ne vit plus ensemble, on lance le « vivre ensemble ». Depuis des années, les gens se supportent dans les banlieues, ils n’ont plus de culture commune, ils se bricolent une identité en idéalisant leur pays d’origine. Je démonte ces mots attrape-couillons. La réalité est toute autre, elle est embêtante car bien réelle.
L.P.N. : Cela te vaut de solides inimitiés... des « dérapages »...
E. Z. : Je suis le roi du dérapage, je suis un vrai dérapage sur pattes. Philippe Muray a dit : « Les biens pensants ne peuvent jamais déraper, ils sont la glace ». Ils lancent des mots pour effacer la réalité. Les mots ont un sens et dès que j’en dénonce l’utilisation malsaine à but idéologique, « je dérape ».
L.P.N. : Qui sont les responsables de la « mort » de la France ?
E. Z. : Nous avons connu une alliance objective entre les tenants d’une extrême gauche qui voulait détruire les fondements de la France et de ses « vieilles valeurs » et des libéraux refusant tout rôle à l’Etat. Ils ont imposé la règle des trois « D » : déconstruction, dérision, et destruction. J’adorais Wolinski qui nous a permis de nous initier sexuellement grâce à ces petites pépés ou un Cabu qui se moquait de nos parents. Ils avaient un vrai talent mais ils ont imposé cette règle des trois « D » à la société avec une adoration de « l’autre » jusqu’à la détestation de soi-même. Ils ont été assassinés par cet « autre ».
L.P.N. : Le constat est-il le même sur le plan européen ?
E. Z. : L’Europe aujourd’hui est une machine à brider les peuples, on sape la souveraineté nationale au nom de l’idéologie libérale. Les oligarques ont pris le pouvoir. La cour de justice européenne vient d’autoriser l’Allemagne à ne pas verser d’allocation chomage à des travailleurs étrangers. Mario Draghi vient de lâcher du leste à la Banque Européenne d’Investissement (BEI). C’est bien la preuve qu’ils sont aux abois. Ils ont peur des mouvements populaires un peu partout en Europe...
L.P.N. : Le changement, est-ce maintenant ?
E. Z. : Les peuples ont compris la manipulation. A chaque fois, c’était le même couplet quand des problèmes apparaissaient : « Il n’y a pas assez d’Europe ». Ça ne marche plus. L’Europe est à l’image de la parabole du couple : « C’est régler des problèmes à deux que nous n’aurions pas eu tout seul ».
L.P.N. : Quelle solution pour l’Europe ?
E. Z. : Il ne fallait pas y entrer. Le marché commun de De Gaulle parlait de la Nation, l’intégration de Delors incite au fédéralisme. La France n’est plus le moteur de l’Europe, la France est devenue une proie. Les élites ont lâché les armes, elles se sont cherchées d’autres maîtres, les Anglais, les Américains, les Soviétiques, les Arabes...
L.P.N. : L’immigration, une chance pour la France ?
E. Z. : L’immigration a tué la classe ouvrière. Les communistes ont été vaincus par l’arrivée de cette main d’oeuvre docile et peu chère. Ils ont chassé les communistes des banlieues. Le regroupement familial a fait le reste. C’est Lionel Stoléru, un conseiller à l’Elysée de Giscard d’Estaing qui en a eu l’idée.
L.P.N. : Que t’inspire le débat actuel sur les notes à l’école ?
E. Z. : Il relève de la même idéologie. Mais ce n’est pas la gauche qui a commencé, c’est un ministre gaulliste, Alain Peyrefitte. Il faut lire « Le mal Français » et sa conversation entre Georges Pompidou... Alain Peyrefitte prétend que le mal français provient du choix religieux de la France. Si nous étions protestants et pas catholiques, nous serions plus libéraux, plus commerçants. Pompidou s’y oppose au nom de la France, de la Nation. Pour les libéraux, il faut en finir avec l’histoire de France au nom de l’Europe.
Pour les extrémistes de gauche, l’histoire de France est un tissu de crimes. Je me souviens de cette anecdote chez Taddéï. J’avais eu un affrontement très dur avec un historien sociologue antiraciste. Il était furieux. Au démaquillage, il m’a pris le bras et il m’a dit : « De toute façon, tu peux dire ce que tu veux, on tient les programmes scolaires ». C’était il y a 4 ans. Le plan de Najat Vallaud Belkacem de 800 millions d’euros soi-disant pour la laïcité va être versé à la ligue de l’enseignement laïque qui travaille depuis toujours à rendre la France multiculturelle.
L.P.N. : Que lit Eric Zemmour actuellement ?
E. Z. : Je suis sur le dernier Houellebecq. J’aime beaucoup son sens de l’humour. Il prétend qu’il y a deux spectacles qu’il préfère à la télévision : la Coupe du monde de Football et les soirées électorales. Il a lu dans mon cerveau ! Il est l’idole de la gauche bien-pensante. Sur la fin du patriarcat, il dit la même chose que moi mais il est plus malin. Sur les plateaux TV quand on l’interroge, il dit : « J’ai écrit ça ? Ah oui, mais je m’en fous ».
L.P.N. : Les journalistes sont-ils responsables ?
E. Z. : Les journalistes ne sont que les porte-drapeaux. Ils s’expriment mais l’opinion est faite en amont, en dehors d’eux.
Photo : Eric Zemmour ©DR




















