LE PETIT NICOIS

Jean Leonetti : « Les droits des malades avant les devoirs des médecins »

Le 22 avril 2005, la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie était promulguée, elle devait rester dans l’histoire comme la loi Leonetti, le député-maire d’Antibes étant son rédacteur.

Depuis, le débat sur l’euthanasie et le suicide assisté n’a fait que grandir en France avec toujours ce droit des gens à disposer d’eux-mêmes jusqu’à décider de leur propre mort. En Belgique, en Suisse, cela est possible, pas en France.

Dernièrement, Jean Leonetti a remis au président de la République un nouveau rapport qui va plus loin que sa loi de 2005. Le Petit Niçois a cherché à en savoir plus.

L.P.N. : Pourquoi ce nouveau rapport ?

Jean Leonetti : Ce rapport fait suite à celui de Didier Sicard et un autre émis par le président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le professeur Jean-Claude Ameisem. Ce nouveau rapport insiste sur deux sujets que j’avais abordés lors de différentes propositions de loi déposées en avril dernier et qui avaient été refusées, la sédation en phase terminale, et les directives anticipées.

L.P.N. : De quoi s’agit-il ?

J. L. : Sur la sédation en phase terminale, il faut que le processus de fin de vie soit engagé. Le médecin prend acte et peut faire s’endormir le patient pour qu’il ne souffre plus. Cela concerne les personnes qui n’ont que quelques jours à vivre et qui ne peuvent être soulagés par les processus existants notamment, les soins palliatifs. Certains malades continuent de souffrir.

Désormais, c’est un droit légal des malades par rapport aux médecins de refuser cet état. Les directives anticipées, c’est-à-dire les déclarations faites alors que le malade était lucide ont déjà une existence légale. Ce qui est nouveau dans ce rapport, c’est que le médecin devra en tenir compte. Nous renforçons les droits des malades, le médecin doit suivre ses consignes.

Néanmoins, il y a des exceptions : en cas d’urgence vitale, le médecin n’est pas lié par les directives anticipées, ni si ses dires apparaissent comme fantaisistes. Je prends souvent l’exemple de cette patiente qui ne voulait « aucun tuyau ».

Par contre, si moi, Vincent Lambert, je refuse l’acharnement thérapeutique si je tombe dans le coma, alors la volonté du patient sera respectée.

L.P.N. : Pourquoi vos propositions de loi n’avaient-elles pas été votées en avril dernier par le Parlement ?

J. L. : La réponse qui m’a été donnée : on attend le rapport du Comité consultatif national de l’éthique… En matière de fin de vie, les évolutions des mentalités sont lentes.

L.P.N. : Votre loi de 2005 ne se suffit-elle plus à elle-même ?

J. L. : Elle le pourrait si les médecins jouaient le jeu. Dans notre pays, on a une tradition de soigner, de guérir à tout prix. On lutte contre la mort, contre la maladie. L’accompagnement de fin de vie n’est pas inscrit dans les mentalités des personnels soignants.

Du coup, on continue de mal mourir. Il y a un volet qui n’est pas inscrit dans le législatif, c’est la formation des personnels soignants aux soins palliatifs. Cela doit être le cas aussi dans les EHPAD ou maisons médicalisées.

L.P.N. : Vous parlez de culture du soin, les mentalités ont-elles évoluées récemment ?

J. L. : Les campagnes menées par les tenants du suicide assisté ont poussé les Français à se poser des questions. L’avancée est significative, on ne veut plus souffrir en fin de vie souvent sans pouvoir s’exprimer. Ce rapport est juste et répond aux préoccupations du moment des Français. On passe des devoirs des médecins aux droits des patients mais les deux ne sont pas incompatibles.

L.P.N. : Pensez-vous que cette loi puisse être adoptée rapidement ?

J. L. : J’ai le soutien de l’UMP et de l’UDI où nous avons déjà eu ce débat. A Gauche certains pensent aussi que ces dispositions amendant la loi de 2005 sont nécessaires. François Hollande s’est beaucoup impliqué dans ce rapport. Les Français ne veulent pas du suicide assisté. Ils souhaitent que l’on réponde à leurs préoccupations de bien mourir.

Ils ne nous disent pas : « On aurait dû tuer mon père plus tôt », mais : « Il aurait fallu l’empêcher de souffrir une semaine de trop ». Ils disent oui à l’accompagnement, non à l’euthanasie.

Photo : ©DR

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