LE PETIT NICOIS

La vérité sur la « French Riviera Connection »

Avec la mondialisation, le champ d’action des mafias italiennes s’est repandu comme une trainée de poudre jusque dans la région Paca. Leur présence ici n’est plus un secret. La rédaction du Petit Niçois vous met dans la confidence, preuves à l’appui.

Par honnêteté, Le Petit Niçois ne jouera pas la carte de l’étonnement suite à l’arrestation des gangsters napolitains à Nice, le 15 avril dernier. À la désormais traditionnelle question « la région Paca est-elle gangrenée dans certains secteurs par les organisations criminelles originaires du Sud de l’Italie », on vous répond simplement : « oui ».

Maintien à long terme de l’implantation des grandes mafias

Qu’on le veuille ou non, l’hypothèse qui voudrait qu’un Cheval de Troie estampillé « mafia » soit entré en terre azuréenne est avérée. En effet, « les interpellations de mafieux recherchés par les autorités italiennes se poursuivent à un rythme régulier en France », confirme un rapport du Service d’Information, de Renseignement et d’Analyse Stratégique sur la Criminalité Organisée (SIRASCO) émanant du Ministère de l’Intérieur.

Déjà dans les années 90, la Péninsule avait présenté au total 76 demandes d’extradition de chefs mafieux résidant en France. C’est un fait. En 2012, pas moins de 14 mandats européens ont ensuite été formulés par les autorités italiennes.

En 2011, ce sont 20 criminels italiens sévissant en région PACA qui ont été remis aux autorités italiennes contre seulement quatre en 2010. Plus tôt en 2009, une synthèse de la direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de l’Intérieur atteste que 104 procédures en lien avec l’Italie avaient été ouvertes au sein des juridictions inter-régionales spécialisées.

Face à l’évidence, les enquêteurs du Sirasco évoquent, non pas « l’arrivée », mais bien le « maintien de l’implantation des grandes mafias sur la Côte-d’Azur » : « Les régions Paca et Rhône-Alpes concentrent l’essentiel des indicateurs d’implantation de représentants des organisations criminelles italiennes ».

Dans leur rapport, on peut surtout voir écrit noir sur blanc : « La ‘Ndràngheta est présente sur le secteur d’Antibes-Vallauris (…). En 2007 et 2009, dans les Alpes-Maritimes, deux enquêtes visant une famille appartenant à la ‘Ndràngheta et un représentant de la Camorra ont illustré l’emprise de la mafia italienne sur le territoire national ». Rien que ça !

Le trafic de stupéfiants en première ligne

Si le territoire italien reste l’épicentre des mafias, celles-ci ont toutefois tiré profit de la mondialisation en y développant les trafics internationaux de stupéfiants, d’armes, de produits contrefaits et de déchets ainsi que la fabrication de fausse monnaie, en blanchissant et en investissant le produit de ces activités dans le bâtiment et le secteur immobilier.

C’est ainsi que l’on a découvert qu’une famille mafieuse d’ouvriers agricoles gérait une ferme horticole à Pégomas, tout en investissant une part de leurs bénéfices dans… l’immobilier local !

À noter qu’un tiers des ressortissants italiens incarcérés en France l’est pour trafic de stupéfiants. Rien qu’en mars 2012, la police en comptait 65 sur un total de 199 détenus de nationalité italienne, soit 32,66 %. Le 14 mars 2011, des investigations de la DIPJ Marseille visant un trafic international de cocaïne ont conduit à l’interpellation d’un membre de la ‘Ndràngheta vivant à Peillon.

Le 5 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Marseille condamnait par défaut deux frères mafieux vallauriens d’origine calabraise à des peines de 8 et 10 ans d’emprisonnement pour leur implication dans une association de malfaiteurs, contrebande de marchandises prohibées en bande organisée, infraction à la législation sur les stupéfiants en récidive. Trente-trois kilos de cocaïne avaient alors été saisis. Ils ont été arrêtés à la demande des autorités françaises, le 9 juin 2011.

« Un contrôle des bases de la ‘Ndràngheta en territoire français »

D’après les autorités françaises, il semblerait que le processus d’infiltration des mafias italiennes se soit accéléré dès le 24 novembre 2011, date qui a marqué la dissolution du conseil municipal de Bordighera, suspecté d’avoir été corrompu par la redoutable famille Pellegrino de la ‘Ndràngheta. Idem pour celui de Vintimille, le 3 février 2012, ciblant cette fois les familles Gangemi et Marciano.

Pour le Sirasco, cela ne fait aucun doute. Une telle démonstration de la présence mafieuse en zone frontalière avec la France doit absolument faire l’objet d’une « attention particulière ». En cause, le fait que celle-ci illustre la menace liée à la Ndrangheta calabraise.

Pour la police, la présence avérée de cette organisation au Nord de la péninsule italienne permettrait à celle-ci d’exercer « un contrôle totale de ses bases en territoire français », soit sur la Côte d’Azur. En témoigne l’interpellation, le 2 février 2012 à Pégomas, d’un boss d’une famille affiliée à un clan de la ‘Ndràngheta et implantée dans l’arrière-pays cannois.

Une terre de refuge pour les fugitifs

Cependant, la ‘Ndràngheta n’est pas la seule organisation criminelle ita¬lienne à avoir étendu ses tentacules jusque sur la French Riviera. Non. « La Camorra est également installée dans les Alpes-Maritimes », reconnaît le Sirasco.

En décembre 2010, le camorriste Salvatore Iodice a été interpellé à Nice à l’occasion d’une importation de « billets contrefaits ». Au-delà de ça, les enquêteurs évoquent surtout la possible existence d’une chambre de contrôle, à savoir une structure assurant la coordination de la logistique de soutien aux fugitifs tels qu’Antonio Lo Russo, arrêté la semaine dernière à Nice.

En effet, « les interpellations de mafieux confirment non seulement que le territoire national sert de lieu de refuge à des chefs mafieux en contact avec leurs organisations d’appartenance, mais aussi qu’ils y bénéficient de la logistique nécessaire à leur cavale », trouve-t-on écrit dans le rapport du Sirasco.

Pour preuve, bien avant Antonio Lo Russo, c’était Roberto Cima, membre important de la ‘Ndràngheta condamné pour homicide volontaire, qui était arrêté à Vallauris, le 25 septembre 2010.

Et si ce n’était que le début ?

Photo : DR

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