LE PETIT NICOIS

Témoignage : Vivre avec un Alzheimer, elle raconte son expérience

En 2010, Louis, le mari d’Olga est diagnostiqué Alzheimer. A l’heure de la retraite et du bon temps en famille, tout s’écroule. Rencontre avec une femme qui a connu le quotidien d’un Alzheimer, et son transfert dans une unité spécialisée.

Le Petit Niçois : La question est difficile, mais qu’est-ce qui vous manque le plus depuis que votre mari a été diagnostiqué Alzheimer ?

Olga : C’est le manque de la personne que j’ai toujours connu. Nous nous sommes rencontrés à 16 ans, à Oran, et nous ne nous sommes jamais plus quittés. C’est le partage du quotidien, une complicité et une vie de souvenirs en commun qui est mis à mal.

Heureusement, même s’il est malade, il n’est pas agressif comme beaucoup d’Alzheimer le deviennent. Quand j’y pense, et j’y pense chaque jour, nous avions tous pour être heureux. Il ne méritait vraiment pas une telle maladie, c’était, et c’est encore, un homme si gentil.

L.P.N. : Avez-vous été surprise par la maladie ou aviez-vous constaté des signes avant-coureurs ?

O. : Cela nous est complètement tombé dessus. C’est dommage, car après notre retour d’Algérie française nous avions pris un nouveau départ, nous nous étions reconstruit une vie, une famille, un cercle d’amis, et nous avions réussi : même si tout n’était pas parfait, nous étions heureux.

C’était un homme travailleur et après 43 ans de travail, il était temps pour nous de profiter de nos dernières années ensemble avec notre famille. Mais Alzheimer a tout changé et malheureusement, il n’existe aujourd’hui aucun traitement pour enrayer la maladie. Son absence aux réunions de famille est ce qu’il y a de plus terrible...

L.P.N. : Comment avez-vous décelé les premiers symptômes ?

O. : Par une action banale, un jour, il n’arrivait plus à faire les comptes alors qu’il s’en était toujours occupé avec succès. Petit à petit, il a commencé à être de moins en moins cohérent, un peu perdu, à confondre le passé et le présent, il multipliait les chutes et s’entêtait à vouloir sortir de la maison pour aller au travail, jusqu’au jour où il fugua.

Une fois la maladie identifiée, tout s’est enchaîné très vite, il a petit à petit eu de plus en plus de mal à s’exprimer, à marcher, à être propre et commença à confondre puis à oublier les prénoms… jusqu’au mien. Ce fut des moments très difficiles.

Maintenant, il ne se rend même plus compte de sa maladie, c’est la famille qui doit supporter ce poids, mais à un moment où il avait encore des éclairs de lucidités, il se voyait dépérir et en souffrait énormément.

L.P.N. : Longtemps vous l’avez gardé à la maison, auprès de vous malgré les difficultés. Quel a été l’élément déclencheur de son placement en unité spécialisée ?

O. : J’ai voulu le garder le plus longtemps possible, mais cela devenait dangereux pour sa propre sécurité, sans parler du fait que je ne vais pas en rajeunissant …

Quand il a commencé à faire des chutes plus violentes, à se casser le poignet par exemple et surtout lors d’un épisode de « fausse route » qui a failli conduire à son étouffement et qui a entraîné une grave infection au poumon, je me suis dis (avec l’accord de mes enfants) qu’il fallait désormais le placer en unité protégée pour sa propre sécurité et son bien être !

La décision a été très difficile à prendre et je porte le poids de la culpabilité, mais c’était la seule chose à faire. Mon réconfort est de savoir que l’homme que j’ai toujours aimé est en sécurité dans une maison vraiment agréable et adaptée à ses besoins.

L.P.N. : Une maison qui, je le suppose a un coût. Pouvez-vous nous parler du côté financier qu’entraîne cette maladie ?

O. : Nous avons visité beaucoup d’établissement avant de faire notre choix, et nous nous sommes décidés pour une maison avec un haut niveau de confort et d’activité… jamais je n’aurai pu le laisser dans un mouroir et il y en a !

Cependant, en règle générale, les établissements coûtent excessivement chers et il est très difficile de faire face à ses dépenses. Dans mon cas par exemple, je touche une aide mensuelle du conseil général d’environ 300 euros, alors que le seul hébergement de mon mari coûte plus de 10 fois plus cher par mois.

Et même si nous combinons la retraite et l’aide nous n’arrivons même pas au prix d’un mois d’unité spécialisée. Vous rajoutez les dépenses liées à ma propre vie quotidienne (charges, nourriture, transport), ce sont les économies de toute une vie qui fondent à vue d’oeil.

Dans quelques années, quand les économies seront épuisées, je ne sais pas comment je pourrai faire face, ni pour lui ni pour moi. Je me sens abandonnée par l’Etat dans ce combat.

L.P.N. : Avoir son conjoint atteint d’Alzheimer, c’est une guerre émotionnelle, financière mais aussi psychologique non ?

O. : Tout à fait, le conjoint non malade est souvent oublié alors que beaucoup partent en dépression. J’ai de la chance d’avoir des enfants et des petits enfants investis dans la famille qui restent très présents pour mon mari.

C’est une épreuve qui nous a encore plus soudé, même si énormément de choses tournent autour de la maladie depuis plusieurs années.

Psychologiquement c’est très difficile à vivre, imaginez l’homme que vous avez toujours connu qui oublie ses amis, ses propres enfants, et sa femme. Mais je crois que au fond de lui il me reconnait, même si c’est inconscient, du moins je l’espère.

L.P.N. : Et la maladie d’Alzheimer dans 10 ans ?

O. : Mon rêve le plus fou serait que la recherche trouve un remède contre cette ignoble maladie. Ce sera sûrement trop tard pour mon mari si c’était le cas, mais ça empêcherait beaucoup de familles de souffrir.

Dans le cas où la solution n’existerait toujours pas, j’espère que dans 10 ans il y aura vraiment une meilleure prise en charge des patients et de leur conjoint.

Tags

Sur le même thème

Pratique

Bookmark worthy