Pour son premier film, « L’Amour ne pardonne pas », le réalisateur italien, Stefano Consiglio, s’est adjoint les services d’Ariane Ascaride.

Le Petit Niçois : Faites nous le pitch du film ? Ariane Ascaride : C’est une femme de 60 ans qui pense que sa vie est terminée, elle a été femme, maintenant elle est grand-mère. Elle travaille comme infirmière et va rencontrer un jeune arabe, Mohamed, et ils tombent amoureux… Une rencontre, fruit du hasard ?
L.P.N. : Qu’est-ce que cette rencontre va lui apporter ?
A. A. : Une nouvelle sensualité… qui la dépasse. Pendant longtemps, elle va se dire que ce n’est pas possible. Elle va refuser cette relation. Dans le scénario, c’est elle qui n’y croit pas. La vie ne s’arrête pas à 60 ans pour une femme. La société impose l’idée que la femme n’a plus le droit au bonheur, à une sexualité épanouie. Pourtant, le garçon ne cesse de lui prouver son amour. Il est le seul à lutter, elle subit la pression de son entourage, sa fille, son gendre, sa collègue de travail.
L.P.N. : A cause du problème de différence de religion ?
A.A. : Plutôt de différence culturelle. Ce garçon vient d’ailleurs, certainement de Lampedusa. Est-ce que cela en fait un profiteur ? Le choc culturel existe dans les deux sens. Lorsqu’elle se rend au Maroc, elle aussi est refusée par la famille de Mohamed. Il faut rester optimiste, presque utopique et vaincre toutes les réticences, l’amour est toujours le plus fort.
L.P.N. : Que vous inspirent les tragiques événements de janvier dernier ?
A. A. : Je suis une laïque convaincue. Il faut être citoyen avant tout et reconnaître la culture de chacun. A un moment dans le film, elle s’en va, elle n’est plus prête à tout ça mais lui est le plus fort et il parvient à lui faire accepter une situation marginale, ils ont plus de 30 ans d’écart. Il est rejeté plusieurs fois mais par amour, il revient, il est tenace et courageux. L’immigration en Italie est un phénomène nouveau, les immigrés avant c’était nous. L’autre est vécu comme un danger potentiel. Il ne faut jamais avoir peur de la vie
L.P.N. : Qu’est-ce que cela vous a fait de tourner votre premier film dans votre langue d’origine ?
A. A. : C’est un super cadeau de jouer en italien, ce sont mes racines. En 2006, j’avais déjà amorcé une histoire avec l’Italie en recevant à Rome un prix de la meilleure actrice pour « Le Voyage en Arménie » de mon compagnon, Robert Guediguian. C’est le premier film de Stefano Consiglio, un critique qui a fait beaucoup de TV avant. Stefano connaissait tous mes films, cela a été une super rencontre à Paris. Quand j’ai lu son scénario, j’ai pensé au film de Fassbinder, « Tous les autres s’appellent Ali ».
L.P.N. : Ariane Ascaride se sentelle « vieille » à 60 ans ?
A.A. : Je suis féministe, je refuse qu’on dise que les femmes ont droit à une existence de tel âge à tel âge. Avec ce film, j’essaie d’interpeller les gens. Avec Mohamed, elle se sent revivre, elle se dit qu’elle a droit à une nouvelle chance. Cela faisait un moment qu’elle avait oublié qu’elle est une femme. Pour vous répondre, à 15 jours de l’anniversaire de mes 60 ans, j’ai eu une boule d’angoisse. Maintenant, je n’y pense plus. Moi, je suis chanceuse, j’ai une vie, un travail… Je sais que je ne peux rien y faire, il faut juste vivre en paix avec son âge, avec sérénité.
L.P.N. : On vous a vu dans « Les Héritiers ». Vous multipliez les tournages ?
A.A. : Les acteurs vivent beaucoup dans le désir du réalisateur. Les choses se présentent à moi, mes enfants sont grands, j’ai plus de temps pour le travail. Mon métier, c’est une rencontre avec un réalisateur et un scénario.
L.P.N. : Quels sont vos projets ?
A. A. : Je répète au théâtre « Le Silence de Molière ». C’est une oeuvre sur la fille de Molière, la seule qui ait survécu, un très beau texte. On va créer la pièce au mois de mars à Toulon, au théâtre « Liberté » chez les frères Berling.
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