Chaque dimanche, l’audimat progresse. « Du côté de chez Dave » est même en train de devenir un rendez-vous télé incontournable pour nombres d’artistes. Son animateur n’y est pas pour rien. D’au¬tant qu’en tournée avec « Rendez-vous avec les Stars » il fait un malheur. Du coup, le moral de Dave est, comme sa région d’adoption... au beau fixe !
L.P.N. : Malgré une activité intense, il semble que vous n’ayez pas déserté le sud ?
Dave : Je suis en permanence en pleine préparation de mon émission sur France 3 « Du côté de chez Dave », chaque dimanche après midi, et j’ai repris la tournée « Rendez vous les stars » qui est le nouveau nom de « La tournée âge tendre ». Mais le TGV, effectivement, je connais bien et je ne suis pas moins souvent... du côté de chez moi !
L.P.N. : Est-il vrai que, lorsque vous avez quitté Amsterdam en 1965, vous êtes arrivé en France en bateau, à Marseille ?
D. : Enfant, mes parents nous avaient emmenés en vacances en Italie, en Toscane, et j’avais ressenti un coup de foudre pour la Méditerranée. Ensuite, mon premier contact avec le Sud a été le canal d’Arles à Port-de-Bouc. C’est par là que je suis arrivé. J’ai quitté la Hollande, à vingt et un ans, pour naviguer et... aimer... mais mon histoire d’amour avec la personne avec laquelle je voguais est vite tombée en miettes pour la bonne raison qu’il était hétéro ! Nous sommes toutefois restés amis jusqu’à la fin de sa vie et on se retrouvait régulièrement en Italie, en Grèce, bref dans le Sud….
Après notre séparation, je fus un peu paumé mais il fallait bien que je mange et que je mette du fuel dans le moteur de ma voiture. J’ai alors fait la manche. J’avais une voix qui plaisait. On m’a donc dit d’aller à St Tropez, dont je n’avais jamais entendu parler. En 1965 et 1966, j’y ai fait la manche deux étés de suite. Et en effet, ça a très bien marché. Ce qui est drôle c’est que je chantais pour manger mais que je n’avais pas l’idée d’en faire carrière.
L.P.N. : On dit que c’est à St Tropez que vous avez croisé Barclay ?
D. : Pas moi ! (rires). Peut-être lui m’y a-t-il croisé, mais moi je ne le connaissais pas... donc je ne l’ai pas vu ! Fin 1967, je suis monté a Paris, c’est là que tout se passait, je me suis dit : pourquoi pas ? J’ai fait dix disques chez Barclay, qui n’ont pas marché et le onzième je l’ai signé chez CBS. C’était « Sugar baby love ». Succès immédiat ! D’ailleurs, la femme de Tino Rossi, Lillia, m’avait raconté qu’après cela Barclay ne voulait pas revivre ce qu’il avait vécu avec moi et ne laisserait plus partir ses chanteurs. Il avait dit à Lillia qui malheureusement n’a pas fait carrière : « tu ne vas pas me faire comme Dave ! »
L.P.N. : Pourquoi vous êtes vous un jour installé dans le sud ?
D. : Je me suis installé dans le Luberon grâce à mon amoureux Patrick Loiseau et à mon ami … Daniel Auteuil. Je suis ici depuis vingt ans. J’aime vivre en province. Auparavant j’avais une maison dans le sud-ouest. Dans le côté de Périgueux. Le père de mon manager de l’époque était inspecteur dans le tabac. On en cultivait, alors, dans cette région. Il visitait plein de petites fermes. Et puis, mon compagnon Patrick avait grandi dans le Lubéron. Daniel m’avait prêté plusieurs fois sa maison là-bas. Un jour j’ai donc décidé de retrouver les parfums de Manon... aux sources !
L.P.N. : Combien de temps parvenez-vous à passer dans cette région ?
D. : J’y viens l’été de juin à septembre et le reste de l’année j’y suis en moyenne une semaine par mois. Dès que je suis en tournée, j’essaie d’y passer mes escales. Cela fait cinquante ans que je suis en France. La Hollande est mon pays d’origine, mais je m’appelle « européen », et je suis devenu un homme du sud.
L.P.N. : Qu’elle est votre ville préférée ?
D. : J’ai un tiercé de tête. D’abord Marseille, parce que j’y suis arrivé en premier et parce que j’y ai cultivé un vrai attachement et plein de beaux souvenirs. Puis St Tropez où, l’été, je vais tous les ans et où je retrouve des vieux tropèziens qui m’ont connu à l’époque… Il y a, là-bas, un hôtel, celui de la Ponche, avec une terrasse, que j’aime particulièrement. Il est tenu par une dame âgée, originaire d’une famille de pêcheurs.
Elle a écrit un livre et sur une des pages, elle parle d’un chanteur blond aux yeux bleus qui chantait jadis sous ses fenêtres. C’était moi ! Ca m’a vraiment touché qu’elle le raconte… et pas par égocentrisme…. Et puis j’adore aller me promener à Nice. J’y ai des souvenirs de liberté qui ressurgissent et un peu de nostalgie. La nostalgie a un côté douloureux, ambigu, mais je la pratique sans masochisme !
L.P.N. : Qu’est ce qui vous lie à cette région ?
D. : Un des liens majeurs est olfactif. Les parfums ! Je vis au milieu des garrigues, des lavandes, du romarin, du thym, des cyprès…. Et puis il y a la lumière. Je me souviens quand la mère de Daniel Auteuil venait à Paris voir son fils qu’au bout de quelques jours à peine, elle rabâchait qu’il y faisait trop sombre et qu’il fallait qu’elle rentre « chez elle ». Je comprends très bien ce qu elle ressentait. Il y a, là-bas, de très jolis ciels. D’ailleurs, Van Gogh… -hollandais comme moi- a peint les ciels d’Amsterdam... et ceux d’Arles.
L.P.N. : Votre sourire et votre humour font l’unanimité. Y a t’il pourtant des choses qui vous angoissent ?
D. : Oh oui. La vie, elle-même, est très angoissante. Le racisme et l’hystérie, par exemple, me font extrêmement peur. Mais je privilégie l’enthousiasme.
L.P.N. : L’hystérie, ce peut-être quoi ?
D. : Quand dans les années 70, j’étais un chanteur à minettes, je n’aimais pas ça. Fan, c’est la première syllabe de fanatisme. Il faut donc se méfier. Mais je respecte ceux qui transforment leur ferveur en quelque chose de positif. C’est ce que fait Patrick, un vrai fan de Françoise Hardy, et pourtant l’homme avec qui je vis ! Je comprends qu’on puisse, lorsqu’on a une vie monotone, et qu’on est jeune, se réfugier dans l’idolâtrie mais, ensuite j’ose espérer que toutes et tous tomberont amoureux… pour de vrai !
L.P.N. : Quel regard portez-vous sur les années qui passent ?
D. : C’est négatif de se rendre compte qu’on a mal partout mais, comme on dit : après cinquante ans, si on a mal nulle part en se réveillant, c’est qu’on est mort ! L’année dernière, j étais en tournée avec Annie Cordy …. Elle boitait hors de la scène mais dès qu’elle y entrait tout allait bien. L’adrénaline et l’endomorphine des planches vous guérissent de tout. Il m’est arrivé de monter sur scène enrhumé et d’en sortir guéri… c’est beau, non ?… D’autant qu’on me paie pour ça … (rires)
L.P.N. : A quoi est due cette métamorphose ?
D. : On est plus vrai sur scène que dans la vie où on joue des tas de rôles. Les américains appellent ça « the role theory ».
L.P.N. : Faire l’éternel jeune homme... c’est un rôle ?
D. : Quand les gens me disent que je ne vieillis pas, je leur réponds qu’ils ne m’ont pas vu tout nu ! Je n’ai plus un corps d’Elfe. Mon côté « jeune homme » c’est parce que je suis toujours d’humeur égale. Je sais que ça peut énerver.
L.P.N. : Qu’est-ce qui est essentiel pour vous ?
D. : Me blottir dans les bras de mon bien-aimé. Lire un bon bouquin. Faire la cuisine pour mes amis. Etre sur scène et voyager... et tout ça je le fais !
L.P.N. : Le plein de bonheur alors ?
D. : En tout cas plein de petits moments de bonheur. L’odeur d’une jacinthe. L’oiseau qui passe au-dessus de mon jardin. L’arôme de l’asphalte qui me fait penser au carénage des bateaux... Mais je n’oublie pas une réplique de Charles De Gaulle, à qui un journaliste demandait s’il était heureux et qui a répondu à peu près : « vous vous foutez de moi ?… On ne peut pas être heureux ! » C’est avec mes mots que je vous le cite. Je suis sûr que vous comprendrez quand même le sens profond de sa remarque.
Photo : ©Fougeres Eric










