LE PETIT NICOIS

Hôtel Negresco : Le prix de l’indépendance

Considéré comme l’un des hôtels les plus connus dans le monde, le Negresco est par bien des points un établissement unique. L’histoire de ce monument de la Côte d’Azur et de la culture française est indissociable de celle de sa propriétaire : Jeanne Augier.


Essayer de faire rentrer le Negresco dans une catégorie (obsession bien française) est mission impossible. Non, car au fil des années, le fameux palace niçois à la coupole rose, est pratiquement devenu synonyme du mot inclassable. Une particularité qu’il doit, à n’en pas douter, à sa légendaire propriétaire, Jeanne Augier. Mais l’histoire commence bien avant, et plus exactement le 4 janvier 1913.


C’est à cette date qu’Henri Negresco, maître d’hôtels reconnu et respecté par toute la jet-set internationale, à l’instar de son homologue César Ritz, inaugure un hôtel à son nom. Negresco décide de l’implanter à Nice, sur la promenade des Anglais, alors capitale des vacances hivernales des mondains de l’époque. Tout est fait pour que le Negresco entre directement dans la cour des grands. Que cela soit au niveau de la modernité (ascenseurs, baignoires dans les chambres) ou au niveau du luxe. Quelques mois plus tard pourtant, le déclenchement de la « Grande Guerre » va mettre un coup d’arrêt aux ambitions de l’établissement.


Comme de nombreux hôtels luxueux de la Côte, le Negresco va être réquisitionné et transformé en hôpital militaire. Le Palace niçois va subir plus durement que les autres cette situation. En effet à la différence de ses concurrents, le Negresco n’aura pas eu le temps de vivre les grandes heures de la Belle Époque. C’est en quelques sorte un projet mort-né. A la sortie de la guerre, Henri Negresco est ruiné, il mourra en 1920 laissant son hôtel entre les mains d’un groupe belge. Ce n’est qu’en 1957 que le phénix renaîtra de ses cendres. Lors de son rachat par Jean- Baptiste Mesmange, riche promoteur immobilier breton, et par sa fille, Jeanne.


JEANNE AUGIER, L’AUTRE MONUMENT


 


Elle épousera un avocat niçois, Paul Augier et prendra son nom. C’est sous son égide (en héritant de son père) que l’hôtel deviendra l’établissement mythique qu’il est devenu. Pour cela, Jeanne Augier va aller à contre courant des autres palaces de l’époque. Là où ils choisissent des couleurs neutres et passe partout, le Negresco lui brillera de mille feux. Là où ils préfèrent du mobilier uniformisé, le Négresco lui sera un véritable « musée ».


En effet, la propriétaire des lieux va au fil des années entamer une véritable collection d’oeuvres d’arts et de tableaux de maîtres, environ 6 000, dont certains sont des pièces majeures. On y retrouve de tous les styles : le cubisme avec Fernand Léger, le surréalisme avec Salvador Dali, le nouveau réalisme avec Niki de Saint Phalle, mais aussi des trésors plus traditionnels comme le portrait de Louis XIV par Hyacinthe Rigaud ou le buste de Renoir... Impossible de ne pas parler également de sa magnifique verrière (classée Monuments Historiques), et de son lustre Baccarat de 16 800 pièces, fabriqué à l’origine pour le Kremlin.


Bref, si pour certains, cela fait du Negresco un hôtel incohérent, tous s’accordent à dire que c’est cette « douce folie » qui fait le charme du Palace Niçois et un lieu à nul autre pareil. D’ailleurs il ne faut pas s’y tromper, si tous les grands du XXe siècles ont, un jour ou l’autre franchi le pas de cet hôtel, c’est surtout pour sa singularité. Singularité dans le style, mais aussi singularité dans le fonctionnement. Car encore aujourd’hui propriété de Jeanne Augier, l’établissement est l’un des derniers à ne pas faire partie d’un grand groupe international.


Photo : Henri Negresco ©DR

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