LE PETIT NICOIS

Hugues Aufray : « Ne pas confondre athéisme et laïcité »

Intemporel, inépuisable, indémodable, les adjectifs manquent pour définir Hugues Aufray. Le chanteur invite le 10 mars prochain « Le visiteur d’un soir » à venir le rencontrer. Un rendez-vous à la fois intimiste et surprenant avec ce troubadour amoureux du Sud.

Le Petit Niçois : Pourquoi avez-vous décidé d’appeler cette tournée « Le visiteur d’un soir » ?

Hugues Aufray : C’est en référence à ce merveilleux film de Marcel Carné « Les visiteurs du soir » et aux très belles chansons de Jacques Prévert et Maurice Thiriet. J’avais vu ce film un soir de février 1943 avec mes deux frères à Sorèze. Dans le film, Alain Cuny joue le rôle d’un troubadour envoyé par Satan pour semer la zizanie et qui, au bout du compte, va trahir son maître et céder à l’amour.

A cette époque sombre de notre histoire, il était impossible de faire des films sur l’actualité donc Marcel Carné a réalisé un long-métrage sur le Moyen-Âge mais les allusions sont évidentes. Aujourd’hui je suis le troubadour. C’est un terme dont on m’affuble souvent et qui me distingue des autres artistes. Je traverse le temps et les modes.

L.P.N. : Comment décririez-vous ce spectacle ?

H.A. : On m’a souvent demandé de venir chanter à des anniversaires, des mariages et de nombreuses occasions. Des demandent irréalistes que j’ai dû décliner. Et bien c’est dans ce sens que « Le visiteur d’un soir » a été réalisé. Nous allons, le temps d’une soirée, imaginer que je reçois les spectateurs chez moi. Ce sont eux les visiteurs. Sur scène il n’y a que moi et deux guitaristes. Un petit décor de studio d’enregistrement. Une ambiance intimiste à contre-pied de tous ces chanteurs qui veulent toujours faire plus grand. C’est un anti-spectacle.

L.P.N. : Retrouverons-nous vos plus grands tubes ?

H.A. : C’est du 50/50. Une partie de la soirée sera composée des chansons les plus attendues. Santiago, Stewball, La Fille du Nord … et l’autre partie d’anecdotes, de chansons peu ou pas connues du grand public- c’est d’une certaine façon une revanche sur les médias qui les ont boudées à l’époque (Rires !). Je ferai aussi des références à d’autres artistes, comme Georges Brassens ou Guy Béart. Il y aura à boire et à manger. De plus d’une ville à l’autre cela ne sera pas forcement le même programme. Au final, je vais ouvrir les portes de mon jardin secret et faire découvrir au public une personne qu’il ne connaît pas vraiment.

L.P.N. : Vous faites allusion à de grands artistes. L’un d’entres eux vous a-t-il servi de modèle ?

H.A. : Modèle, n’est pas le mot. Mais il y a deux artistes dont je me rapproche : Georges Brassens et Charles Trenet. Le premier pour la rigueur de son écriture. Le second parce qu’il a fait des chansons à la fois simples, profondes et compréhensibles par tous. Pour moi c’est cela une vraie chanson. C’est très différent de ce que font les jeunes.

L.P.N. : Que pensez-vous des chanteurs d’aujourd’hui ? Vous en appréciez certains ?

H.A. : Cela dépend qui. Quand je vois quelqu’un comme Alain Souchon. Alors je dis oui. Bravo. Voilà un chanteur. C’est simple, vrai et donc cela devient poétique. Quelqu’un qui cherche absolument la poésie ne la trouve jamais. Il faut être dans le concret. Quand j’écoute ce que fait Diam’s par exemple, je trouve que c’est bien trop compliqué, imagé et centré sur soi-même. On ressent l’individualisme de la société dans les chansons d’aujourd’hui.

L.P.N : Vous parlez très peu d’amour dans vos chansons. Pourquoi ?

H.A. : Serge Gainsbourg et moi avons chanté la même chanson : Le poinçonneur des Lilas. Et malgré ce que l’on pense, je l’ai chanté avant lui. Tout cela pour dire que Gainsbourg et moi nous sommes comme la fable du rat des villes et du rat des champs. Lui, la ville, la nuit, l’amour charnel et moi le soleil, l’amour aussi, plus pudique ou fraternel comme dans Céline. Je préfère les chansons intemporelles.

L.P.N. : Vous avez chantez partout. Avez-vous un bon souvenir dans le Sud ?

H.A. : Je suis un homme du Sud. A 16 ans j’ai rejoint mon père en Espagne. Là-bas j’ai trouvé le goût du folklore. Un folklore vivant. D’ailleurs j’ai remarqué que partout où la religion était très présente dans la vie, les gens chantaient.

En France c’est un peu particulier depuis la loi de 1905 sur la laïcité. Ce n’est que mon opinion, mais je pense que cette loi a été mal interprétée. Aujourd’hui on la confond avec l’athéisme. Mais en réalité il s’agit de l’égalité de toutes les formes de religions devant loi. Résultat : cela a rendu muet le folklore en France. Il reste des vestiges en Bretagne, en Corse, dans le pays basque… Il existe un lien fort entre la musique et la spiritualité.

L.P.N. : Prévoyez-vous de sortir un nouvel album ?

H.A. : Pour le moment je me concentre sur la tournée. Après, pourquoi pas.

Photo : ©DR

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