Unique exemple de monastère fortifi é, l’ancienne abbaye de Lérins est l’un des monuments les plus précieux du département. Un héritage en danger que la Fondation du patrimoine et les collectivités locales tentent de sauvegarder à tout prix.
Pour l’admirer il faut le mériter. Car le monastère fortifié de l’abbaye des îles de Lérins se cache au dos de l’île Saint- Honorat, elle-même masquée par sa jumelle, Sainte-Marguerite. Malgré tout, il fait partie « du paysage » culturel de la Côte d’Azur. Un joyau au bord de la mer... à la dérive.
SE PROTÉGER DES PIRATES
L’histoire du monastère commence avec Honorat d’Arles, un aristocrate gallo-romain du Ve siècle. "Il s’agit d’un contemporain de Saint-Augustin et Saint-Cassien, les moines qui ont contribué à installer la religion chrétienne dans le Sud de la France » précise Jean-Louis Marques, délégué de la Fondation du patrimoine pour les Alpes-Maritimes. Vers 410, il décide de s’installer sur l’île de Lerina (ancien nom de l’île Saint-Honorat) et d’y fonder une communauté. Le monastère était né.
A partir du IXe siècle, il est fréquemment attaqué et ravagé par des pirates barbaresques, sarrasins, génois et aragonais. Pour empêcher que le monastère ne soit détruit, Aldebert II, abbé de Lérins, prend la décision de faire construire une tour fortifiée pour défendre les lieux et ses occupants. Des travaux fondateurs qui s’étaleront jusqu’au XIIe siècle. Les siècles qui suivront, verront la tour subir de nouveaux ajouts et de nouvelles modifications. La chapelle Sainte-Crois sera consacrée, et les deux cloîtres seront bâtis. Protégeant les moines et leur culte jusqu’au XVIIe siècle, les fortifications ne suffiront pas face aux Espagnols puis aux Sardes.
La Révolution Française et la Convention déclareront l’abbaye comme Bien National et il sera vendu à Jean Alziary de Roquefort et sa fille la comédienne Saint-Val y emménagera jusqu’en 1817. Les moines, eux, ne reviendront sur l’île qu’à partir de 1869 , l’île ayant été rachetée par monseigneur Henri Jordany, évêque de Frejus.
SE PROTÉGER DU TEMPS
Selon Jean-Louis Marques " ce monastère est unique au monde. Il est le seul fortifié. On parle du site du Mont Saint-Michel, mais ce n’est pas comparable ». Outre son évolution architecturale (due à la durée de sa construction dans le temps), la particularité du monastère réside dans sa hauteur « Il est bâti sur deux étages, pour ne pas s’étendre sur le sol, et ainsi mieux se protéger des attaques ennemies... ». Pourtant, ce chef d’oeuvre unique dans le patrimoine de la Côte d’Azur, (classé Monument historique dès 1840) est en danger.
La faute à un redoutable adversaire, le temps. Les deux derniers siècles où il a été laissé à l’abandon (malgré des phases de restauration sommaire) ont gravement endommagé la structure générale. Résultat, le monastère doit une nouvelle fois faire peau neuve. La Fondation du patrimoine qui lutte pour sauvegarder les monuments et les trésors nationaux s’est penchée sur le cas de l’édifice azuréen.
LE PROTÉGER POUR LE FUTUR
Soutenu par les collectivités locales, les mécènes (Fondation Totale) et surtout par l’État, les travaux sont estimés à 4 millions d’euros. Outre les travaux liés à la sécurité des visiteurs, comme la mise en place de nouveaux gardes-corps, une réfection du système de récupération des eaux pluviales est nécessaire. Un couvrement et un aménagement du noyau principal, indispensable, permettra de restaurer le coeur du monastère et sa mise en valeur pour des visites touristiques.
Car l’enjeu ce joue également à ce niveau. Si aujourd’hui le monastère bénédictin a été délaissé par les moines cisterciens, dorénavant installés dans une abbaye voisine plus aux normes du confort contemporain, le monument n’a rien perdu de sa singularité et de son importance historique. Le fait qu’il soit caché dans la baie de Cannes, ne doit pas nous le faire oublier...
Photo : ©DR










