LE PETIT NICOIS

Thierry Frémaux- : « Une sélection de renouvellement- »

Proche des cinéphiles et toujours disponible, Thierry Frémaux est un amoureux du cinéma avant tout et un passionné des relations humaines.

Aquelques jours du début du Festival de Cannes, il a fait part de ses réflexions sur une sélection officielle forcément « nouvelle » suite au passage de témoin historique entre le président Gilles Jacob et son successeur, Pierre Lescure. « C’est vrai que cette année, on sent une grosse impatience, un enthousiasme, une bienveillante gourmandise » assure-t-il

« Une sélection plus difficile »…

Aujourd’hui, le cinéma a bien changé avec l’avènement du numérique. Cette « révolution » a modifié aussi la façon de concocter une sélection officielle pour Thierry Frémaux : « On voit souvent les films non finis mais on sait désormais que même un mois avant le début du Festival, ils pourront être montés et prêts à être programmés ».

Ce qui prime dans l’édition 2015, « c’est une sélection de renouvellement ». Le mot revient très souvent dans la bouche du délégué général. Il précise : « Il y a beaucoup de gens nouveaux en Compétition et de grands noms à « Un Certain Regard » comme Naomi Kawase ou Apichatpong Weerasethakul… Il y a aussi le retours de réalisateurs américains que nous n’avions plus vu depuis longtemps à Cannes comme Gus Van Sant, Tom Haynes ou encore Woody Allen ».

On sent bien que l’édition 2015 a été plus difficile que les autres années. La preuve ? Il n’y aura au final que 19 films en Compétition là où il y en avait 22 ou 23 certaines années. « Quand les grands sont en plein tournage, il est toujours difficile de trouver 20 films pour la compétition. Quand vous êtes à Cannes, vous êtes coupables d’y être aux yeux du monde, il faut justifier votre présence ». Il est vrai qu’une sélection en compétition peut-être une épreuve tout comme une Palme d’or pour un premier film. Thierry Frémaux se souvient : « Quand Steven Soderbergh a obtenu la Palme d’or pour « Sexe, mensonges et vidéo », il a dit : mes ennuis commencent, il n’avait pas tort ».

Une sélection « Cannes Classics » exceptionnelle

L’autre enseignement de l’édition 2015 est sans aucun doute la forte présence de films français en Compétition. Là encore, Thierry Frémaux s’explique : « Il y a eu des années où nous avions 5 ou 6 films américains, cette année, ce sera la France. Certains réalisateurs ont changé de niveau, clairement. Le cinéma italien traverse une grave crise financière avec des productions en baisse mais les trois films présentés par des auteurs importants sont très originaux et importants ».

Il balaie d’un revers les éternelles polémiques récurrentes du Festival sur le nombre de femmes réalisatrices en compétition. « Il y a 7 % de femmes réalisatrices dans le monde et cette année, il y en a 23 % en Compétition à Cannes ». Il s’est dit « très heureux » de remettre une Palme d’or d’honneur à Agnès Varda « car de grands réalisateurs comme Hitchcock ou Hawks n’ont jamais eu de Palme à Cannes. On répare des oublis ».

Encore une fois, c’est le travail de restauration sur les films anciens qui passionne Thierry Frémaux et la sélection « Cannes Classics 2015 » s’annonce grandiose. « 120 films des frères Lumière sur les 1 500 qu’ils ont produits seront montrés cette année, le dimanche 17 mai en avantpremière mondiale. C’est l’événement de cette édition ! Nous avons mis 6 mois pour les restaurer. Orson Welles sera honoré avec la projection d’un documentaire et d’un film. Isabella Rosselini qui préside « Un Certain Regard » sera là pour parler de sa mère, Ingrid Bergman. La copie numérique de « Panique » de Julien Duvivier est étincelante, on croit pouvoir toucher les acteurs… ». Il est intarissable sur le sujet.

« Love », la polémique assurée…

La CGT n’est pas oubliée dans son propos puisque pour leur 120e anniversaire, il projettera « La Marseillaise », un film sur la Révolution Française en copie restaurée. Il parle aussi d’un documentaire sur Gérard Depardieu « qui fera encore plus aimé l’acteur à ses fans et qui devrait le faire aimer un peu de ses détracteurs ».

Le documentaire sur la Palme d’or devrait aussi être un grand moment à l’occasion des 60 ans de cette récompense. « On entrera dans les secrets de sa fabrication avec des interviews aussi de réalisateurs célèbres, Kusturica, Tarantino, Campion…, pris dans leur propre environnement ». Amy Winehouse sera aussi de la partie sous forme d’un doc en son hommage avec de nombreux chanteurs invités. Cette profusion de documentaires a donné l’idée d’un Prix du meilleur film à Thierry Frémaux. Dans sa liste non exhaustive des événements sur la Croisette, il n’en a pas oublié le « Love » de Gaspar Noé, un film qualifié de « pornographique qui devrait provoquer la polémique ».

L’acte sexuel est montré car le réalisateur ne veut pas laisser les corps aux mains de la seule industrie du sexe. La polémique faisant partie de Cannes et de son Festival, on s’attend encore à de chaudes empoignes entre critiques… et public. « Notre rôle est de montrer les films surtout ceux qui ne pourraient pas être vus ailleurs ». Thierry Frémaux est déjà loin, la tête dans les étoiles du 7e Art. Personne avant lui n’avait osé de tels paris, celui de faire voir toutes les filmographies, tous les genres de films sans ostracisme, sans jugement, sans tabou. Chapeau l’artiste !

Photo : ©DR

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