Au regard de son parcours original, de ses résultats exceptionnels, de son comportement avec les médias, de ses relations tendues avec la Fédération, de sa personnalité peu commune, le golfeur cannois Victor Dubuisson s’affirme dans le paysage du sport fran¬çais comme un champion atypique.

Un épisode illustre le comportement par¬fois déroutant de Victor Dubuisson. Nous sommes le 17 mars dernier, à Paris, au Pavillon Dauphine, théâtre des Trophées du Golf, les « Césars » de la discipline au niveau français. Chez les hommes, et sans grande surprise, la récompense du meilleur golfeur de l’année 2014 est revenue à Victor Dubuisson. Mais ce dernier n’a pas daigné venir participer à cette fête de famille du golf français, pour le plus grand désarroi des organisateurs et du président de la Fédération française de golf J-L Charon.
C’est son entraîneur à temps partiel, le Grassois Benoît Ducoulombier qui viendra chercher sur la scène la récompense, bredouillant quelques excuses pour la forme mais sans convaincre une assistance déçue de ne pas pouvoir approcher ce génie des greens qui peut, enfin, offrir au golf français quelques moments de gloire après une longue traversée du désert médiatique.
Dans une société de l’image, ils sont peu nombreux les jeunes sportifs qui refuseraient de venir sous les feux de la rampe pour recueillir les fruits de leur travail. (c’est bien souvent l’inverse qui se produit !). Du côté de la Fédération, les dirigeants regrettent cette attitude désinvolte mais pardonnent ce (nouveau) caprice au regard de l’importance de Victor Dubuisson pour le développement du golf en France.
IL EST COMME CELA VICTOR !
Victor Dubuisson n’a pas toujours l’envie de s’entraîner ou la motivation de participer à un tournoi, et ce même s’il réunit les meilleurs joueurs de la planète et il préfère à la place s’offrir une sortie de pêche en mer avec ses amis. Il est comme ça Victor ! Celui qui a vu le jour à Cannes le 22 avril 1990 ne souhaite pas que l’on approche son entourage pour la réalisation d’un portrait et demande à ses avocats d’empêcher la publication. Il est comme ça Victor ! Le neveu de l’ancien basketteur international Hervé Dubuisson ne supporte pas que l’on puisse émettre des critiques sur son jeu si la personne n’est pas dans le top 10 du golf mondial sous peine de récolter un silence méprisant ou une critique « Se faire traiter de pauvre type sur le site de L’Equipe, c’est du même niveau que leur journalisme ».
Il a les nerfs à vif et une susceptibilité à fleur de peau. Un ultra sensible. Il est comme cela Victor ! Le premier joueur français au classement mondial ne supporte pas toujours la présence des caddies professionnels à ses côtés, il les zappe (ou les pousse à la démission) pour demander à ses potes de l’accompagner sur les greens des tournois. Il est comme cela Victor ! Une personnalité détonante dans un sport plutôt habitué à des personnages plus lisses.
Victor Dubuisson cultive cette insolence des champions à qui tout réussit. A 15 ans, il est le plus jeune joueur à participer à une épreuve du circuit européen. A 16 ans, Victor devient le plus jeune champion de France amateur en titre après son succès au golf de Nîmes. Trois ans plus tard, en 2009, celui qui a tapé ses premières balles au golf de Biot sous le regard bienveillant de son grand-père devient champion d’Europe et dans la foulée endosse le costume de n°1 mondial chez les amateurs.
VAINQUEUR DE LA RYDER CUP EN 2014
Il le restera plusieurs semaines avant de décider, en 2010, de passer chez les professionnels. Là encore, le proche de Jean-Stéphan Camérini, patron du golf de Mandelieu et qui définit son ami comme un artiste, se distingue très vite avec une victoire sur le circuit européen au tournoi de Turquie où il devance le numéro un mondial de l’époque un certain….
Tiger Woods. Cette victoire est synonyme d’un bond au classement mondial avec une 39ème place. Soit tout simplement, et ce après seulement trois saisons chez les pros, la meilleure performance dans l’histoire du golf français ! Sur sa lancée, Victor continue d’écrire sa légende en atteignant la finale du championnat du monde de « Match Play », une des compétitions majeures du circuit avec tout le gratin mondial réuni, non sans éliminer les favoris. Des performances exceptionnelles qui lui valent d’être sélectionné avec l’équipe européenne pour disputer la prestigieuse Ryder Cup, match de golf entre l’Europe et les Etats-Unis. Et devinez quoi ? Victor est un des artisans de la victoire historique des Européens sur les Américains. Tout va vite pour Victor qui intègre à l’aube de ses 25 ans le Top 20.
JUSQU’ICI TOUT VA BIEN MAIS…
Sauf qu’au cours du premier semestre 2015, la belle machine « Dubuisson » s’est enrayée. Victor a enchaîné les contre performances, multipliant les échecs au premier tour. Le golfeur cannois ne passe plus les cuts des tournois majeurs de la saison estivale. (Masters, US Open). Le doute, ennemi mortel du golfeur, semble gagner le jeu du jeune joueur même si ce dernier s’en défend. Face à ce début de crise, les critiques sur son comportement connaissent un écho plus intense. L’inté-ressé reconnaît qu’il traverse une phase plus délicate et l’explique par un préparation hivernale plus light que d’habitude en raison d’un emploi du temps « hors golf » chargé.
Heureusement, lors de la dernière grande compétition de l’année, l’US PGA, disputé sur un parcours réputé difficile, l’espoir du golf français a terminé à une rassurante 18ème place. De quoi envisager de nouveau la suite avec un certain optimisme même si, et c’est là le charme de ce sport, rien n’est jamais acquis en golf. Et si Victor veut à nouveau disputer la Ryder-Cup, dont la prochaine édition se déroulera en 2018 sur le sol….
Photo : ©DR