C’est le Prince Albert, lui-même, qui l’a souligné à la fin du match aller entre Arsenal et Monaco (1-3). « Rien n’est fini avec Arsène. Il a plus d’un tour dans son sac ». S’il y a une personne dans la région qui sait de quoi est capable l’ancien coach de l’AS Monaco, c’est bien Richard Conte, personnage incontournable du football azuréen. L’ancien manager puis président de l’AS Cannes, ex-directeur sportif de l’OGC Nice et directeur des relations publiques de l’AS Monaco nous raconte « son » Arsène Wenger, de retour, ce mardi 17, sur le Rocher 21 ans après l’avoir quitté.
Quand avez-vous rencontré Arsène Wenger pour la première fois ?
J’ai connu Arsène il y a plus de 30 ans ! J’étais alors manager général de l’AS Cannes et je l’ai rencontré, pour la première fois, à mon domicile, à Villefranche-sur-Mer, un soir de printemps 1983. Il arrivait de Strasbourg et nous avions la volonté de lui faire intégrer le staff technique cannois en tant qu’adjoint de Jean-Marc Guillou, nouvel entraîneur. La discussion s’est prolongée toute la nuit pour trouver un accord ; il fallait, en effet, composer avec le peu de moyens financiers de notre club évoluant, à cette époque, en 2 ème division.
Quel souvenir vous a laissé votre première rencontre avec Arsène Wenger ?
J’ai été marqué par le charisme et la détermination d’Arsène. Ce jour là, j’ai eu la conviction d’avoir en face de moi l’homme de la situation pour former avec Jean-Marc l’une des plus belles paires techniques du football français ! Et, finalement, nous avons trouvé un terrain d’entente au petit matin : 12000 francs par mois complétés par une indemnité de logement de 3 000 francs (environ 2 300 euros au total)… sans se douter de ce que pourraient être les propositions qui lui sont faites aujourd’hui, notamment par le Real de Madrid. La durée du contrat était initialement prévue pour 3 ans (alignée sur celle de l’entraîneur principal), mais, par la suite, nous avons permis à Arsène d’être libéré, prématurément, au bout d’un an, en vue d’une promotion à Nancy, en 1 ère division.
Comment s’est nouée son arrivée à l’AS Monaco ?
Le président de l’AS Monaco Jean-Louis Campora m’a demandé en 1986 mon avis sur un candidat au poste d’entraîneur monégasque. Je n’ai pas hésité alors, au regard des qualités que j’avais alors constatées chez ce jeune cadre dynamique, licencié en sciences économiques, à recommander Arsène plus que chaleureusement. Je soulignais, plus particulièrement, au Président Campora sa volonté de réussir, son intelligence au-dessus de la moyenne, sa facilité pour mettre en confiance, sa recherche continue de la perfection, son souci de l’efficacité, sa capacité de concentration, son sens de l’éthique, sa ténacité… Je pensais, par ailleurs que son élégance, sa discrétion, sa classe naturelle, pouvaient parfaitement correspondre à l’image de la Principauté.
Comment s’est passé le contact entre les deux hommes ?
Après les avoir mis en contact, chez moi, en toute confidentialité, rien, par la suite, ne fut en fait évident ! Je me suis « heurté » à deux personnalités, hors du commun, aux caractères bien trempés ! Et, après un accord initial de principe pour travailler ensemble, aucun des deux ne faisait plus un seul pas vers l’autre pour la concrétisation ! Aussi, pendant prés d’un an, j’ai fait des « allersretours » entre l’un et l’autre ! Pour que, finalement, l’AS Monaco, fasse signer, pour jouer l’Europe, un entraîneur alors inconnu qui venait de descendre de 1 ère en 2 ème division ! Il m’a été demandé, à ce moment-là, d’aller, un matin, à la Ligue Nationale, rencontrer le Président nancéen pour faciliter le retour d’Arsène sur la Côte, Nancy ayant demandé une indemnité de transfert pour le libérer, ce que ne voulait pas payer Monaco !
Quelles sont, à vos yeux, ses qualités d’entraîneur ?
Nos nombreux footings, nos marches en montagne à la Vallée des Merveilles, et surtout, nos petits matchs acharnés, deux contre deux ou trois contre trois, avaient mis en exergue, chez lui, des qualités de battant, de gagneur , de compétiteur. Dans ces duels fratricides, il ne supportait pas de perdre ! Arsène a en lui, une véritable haine de la défaite ! Ce qui n’effacera pourtant jamais, chez lui, son humanité et son fair-play, qui auront un extraordinaire « prolongement » en Angleterre.
En février 1999, Arsenal bat Sheffield United en Coupe. Mais, le but vainqueur a été marqué directement à la suite de la remise en jeu d’un ballon volontairement dégagé en touche, un joueur d’United étant au sol, blessé. Indignation nationale ! Arsenal n’avait pas respecté le code du fair-play en ne rendant pas le ballon à l’adversaire. Arsène demanda à la Fédération de faire rejouer le match en faisant comme si le but vainqueur n’avait jamais existé. La classe ! Arsène est un gentleman !
Quels souvenirs conservez-vous de ces années communes ?
Pendant les 7 ans où nous avons demeuré dans le même immeuble, à Villefranche- sur-Mer (lui, coach de l’ASM, moi à l’ASC), on se voyait tôt le matin pour aller courir sur la Grande Corniche ou le soir tard. Et là, quelle que soit l’heure, je le trouvais devant son écran, imperturbable, cassettes de foot à l’appui. Pour superviser, pour mieux connaître, pour progresser. Parce que le moteur de sa vie a toujours été de progresser. Avec pour cela en lui une force animale : l’envie de gagner !
Quelle relation entretient- il avec ses joueurs ?
Arsène est un homme à part, qui a le respect du joueur, qui sait associer les talents et qui insiste volontiers sur l’esprit de la parole donnée, la qualité du travail, la confiance accordée aux autres. Il est assez inclassable de par ses contradictions. Rigide, méticuleux, sobre, véritable ascète à la rigueur germanique au niveau de la discipline et de l’organisation, il peut paraître, au départ, distant, froid, sévère. Pourtant, il aime le dialogue et est à l’écoute. Arsène a le sens de la communication et s’intéresse sincèrement aux autres.
Comment est Arsène Wenger dans l’intimité ?
Arsène adore être entouré de ses amis. Que ce soit à Nice ou à Strasbourg ! A Nice, ce sera avec Daniel Sanchez, Bernard Massini, Jean-Marc Guillou, Roland Sheubel ou Félix Lacuesta. A chaque trêve, nous nous retrouvons pour un dîner. Avec toujours la même gentillesse, la même modestie de l’un des meilleurs managers au Monde, le coach a toujours su concilier business et humanité. Arsène est drôle, plein d’esprit. Il rit volontiers et son humour est constant. Il aime les bons restaurants, mais, il mange peu. Il prend de tout... un peu ! C’est la qualité mais pas la quantité pour l’ascète qui sait goûter aux plaisirs de la vie. Mais aux plaisirs... sans excès. Je dirai pour conclure qu’Arsène est à la fois cool et rigoureux.
Photo : De G à D : Félix Lacuesta, Richard Conte et Arsène Wenger. ©DR
P.Y.M.










